La peau dure by Perry Jacques

La peau dure by Perry Jacques

Auteur:Perry, Jacques [Perry, Jacques]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Robert Laffont (Éditions)
Publié: 1967-01-06T23:00:00+00:00


CHAPITRE XVII

— Mme Oliveira est rentrée, me dit Paul.

Je venais d’arriver à La Chapelotte. Il était 10 heures du soir.

— Nous y allons tout de suite.

À la Boulaie, tout est ouvert. Nous entrons. Didine me saute au cou, m’embrasse, me tapote la tête, aperçoit Paul.

— Qui c’est, celui-là ? Oh ! pardon, monsieur l’abbé.

Je lui dis que Paul est mon ami, mon frère et qu’il doit venir à toute heure du jour et de la nuit, comme moi. Elle le regarde un instant. Paul se tient très droit, un peu figé. Elle va vers lui, l’embrasse. Il devient écarlate. J’ai sûrement fait une chose stupide. Jamais une femme ne l’a embrassé. Il recule d’un pas.

— Dieu est bon ! dit-il.

Et il se met à pleurer, doucement d’abord, puis comme un veau. Nous ne savons que faire.

— J’avais toujours rêvé qu’une femme très belle m’embrasse ainsi comme une sœur, en me serrant dans ses bras.

Il la regarda en plein.

— Vous êtes une femme extraordinaire. Je CROIS, je CROIS.

Didine parut stupéfaite.

— L’abbé ne croyait pas en Dieu, lui dis-je.

Aucun de nous trois ne songe à sourire. Paul retrouvait son Dieu par ce baiser franc, cet élan d’amitié fraternelle.

— Embrasse-moi encore, dit-il.

Mais ce fut lui qui s’avança vers elle, la serra dans ses bras à la briser et l’embrassa sur les deux joues. Il se détacha d’elle ; il avait le visage illuminé.

— Où puis-je me retirer ? dit-il. Il faut que je sois seul.

Didine le conduisit dans une chambre du premier étage.

— Eh bien ! me dit-elle en descendant, il est tombé à genoux devant le lit ; il a la figure dans le couvre-pieds et il répète : je CROIS, je CROIS ! Il est fou ? Je convertis les prêtres ?

— Ce qui vient d’arriver, c’est un miracle ; et le miracle, c’est toi. Pour Paul, qui n’a vu que médiocrité autour de lui depuis qu’il existe, tu es la preuve soudaine de Dieu, d’une création heureuse. Imagine un peu les bonnes femmes qu’il a autour de lui, des dévotes, des ménagères, des gourdes, toutes confites de respect. Et les hommes ! des brutes, des sauvages ou des rusés. Moi, il m’aime bien mais il a conscience de m’avoir aidé autant que je l’ai aidé. J’étais en piteux état quand je suis arrivé à La Chapelotte. Pour me redonner le goût de peindre, il a eu le génie d’inventer des visions que longtemps j’ai cru vraies ; il a eu l’audace de se dire hérétique pour me rassurer. Ce que je lui ai prouvé par mon amitié, c’est simplement que je ne suis pas ingrat. Quand je l’ai amené ici ce soir, il était prêt à souffrir. Tu lui as donné ton amitié sous la seule forme qui pouvait le toucher, un baiser. Tu peux te conduire avec lui exactement comme avec moi. Ne te souviens jamais qu’il est prêtre.

— Je suis inquiète, Charles. C’est la seconde fois que je te vois ; s’il nous arrive toujours de vivre de façon aussi paroxystique, nous ne ferons pas de vieux os.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.